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Ce qu'il faut savoir sur le CBD

Par Tiphanie TUÉNI, naturopathe



Gélules, crèmes, e-liquides, huiles sublinguales, sprays, tisanes, friandises pour animaux de compagnie, ou encore shampooings… La popularité grandissante du cannabidiol, plus couramment connu sous le nom de CBD, a été alimentée par les bienfaits allégués de cette molécule, notamment sur la santé mentale et la gestion de la douleur.


Depuis l’arrêt du 19 novembre 2020 de la Cour de Justice de l’Union européenne donnant le feu vert à la libre circulation du CBD[1], des centaines de « CBD shop » pullulent à tous les coins de rues[2]. La fin du mois de janvier 2022 signe à nouveau une victoire des professionnels du secteur, puisque le Conseil d'État a suspendu l'arrêté ministériel du 30 décembre 2021 interdisant la commercialisation des fleurs et des feuilles de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes[3] dont est issu le CBD.


Au-delà des chiffres vertigineux de cette industrie qui devrait atteindre 1,3 milliards d'euros d'ici 2024, le consommateur peut légitimement s'interroger sur l'efficacité réelle CBD et son éventuel potentiel de dépendance.


Concrètement, qu’est-ce que le CBD ?

Le CBD est un composé phytocannabinoïde naturellement présent dans la fleur résineuse du cannabis, une plante dont l'histoire médicinale remonte à des milliers d'années. Il constitue l'un des nombreux cannabinoïdes présents dans la plante cannabis.


Que dit la loi sur le CBD ?

Parmi les quatre principales sous-espèces de l'espèce botanique Cannabis sativa L.[4], seule la culture du Cannabis sativaL. subsp. Sativa (ou chanvre cultivé) est autorisée en France[5], à condition que sa teneur en tétrahydrocannabinol[6] soit inférieure à 0,2% en poids sec[7]. On utilise cette sous-espèce principalement pour la fabrication de textiles, de graines pour huile[8], de biocarburant, de cosmétiques, de protéines à usage alimentaire...et de produits contenant du CBD.


Le CBD est-il addictif ?

Contrairement au THC, le CBD contient des principes psychoactifs, mais non psychotomimétiques, c'est-à-dire non hallucinogènes[9]. La loi exige toutefois que les produits de CBD dérivés du chanvre contiennent moins de 0,3% de THC.


D'où vient la limite de 0,3% de THC?


La limite de THC fixée à 0,3% est totalement arbitraire et remonte à un article publié par Ernest Small et Arthur Cronquist en 1976 intitulé “A Practical and Natural Taxonomy for Cannabis.” [10]


Il faut cependant s'assurer du sérieux des entreprises commercialisant ces produits car il y a un risque qu'ils contiennent plus de THC qu'indiqué sur l'étiquette.


D'où vient la confusion entre CBD et marijuana?

L'amalgame possible entre CBD issu du chanvre et marijuana provient du fait qu'ils appartiennent à la même espèce botanique (Cannabis sativa L.), laquelle rassemble toutes les plantes de la famille des Cannabaceae.

La confusion viendrait du fait que le terme marijuana peut englober à la fois la sous-espèce Sativa et la sous-espèce Indica. Grosso modo, lorsqu'il y a moins de 0,3% de THC, on serait en présence de chanvre, mais dès ce seuil des 0,3% dépassé, on serait en présence de majijuana... S'ajoute à cela un désaccord entre taxonomistes sur les différentes familles et sous-espèces et le consommateur a de quoi être perdu!


Comme l'affirme le Dr Ethan B. Russo, expert mondial reconnu en matière de cannabis médical :


(...) la distinction sativa/indica telle qu'elle est couramment appliquée dans la littérature non spécialisée est une absurdité totale et un exercice futile. (...) j'encourage vivement la communauté scientifique, la presse et le public à abandonner la nomenclature sativa/indica et à insister pour que des tests biochimiques précis sur les profils des cannabinoïdes et des terpénoïdes soient disponibles pour le cannabis sur les marchés médical et récréatif. L'exactitude scientifique et la santé publique n'exigent rien de moins que cela.[11]


L'autorisation sur le marché européen de la libre circulation du CBD issu de la plante entière se fonde sur le fait que contrairement au THC, le CBD n'est ni euphorisant, ni intoxiquant. Il est connu pour détendre et même provoquer une somnolence à des doses plus élevées. Comme le THC, le CBD permet de soulager la douleur. Il est également connu pour augmenter les niveaux d'anandamide, un antidépresseur naturel.


Quels sont les bienfaits du CBD sur notre santé?

On sait, depuis sa découverte dans les années 1990, que le corps humain possède un système endocannabinoïde (SEC) qui lui est propre.[12] Ce système agit sur de nombreux processus tels que la douleur, l'appétit, l'immunité, le sentiment de plaisir, l'humeur, la mémoire, le métabolisme, l'inflammation ou encore la réponse au stress, pour ne citer que ceux-là.

Or certaines personnes auraient un faible taux d'endocannabinoïdes, probablement dû au stress ou à la génétique.


Les professionnels du secteur n'ont cependant pas le droit de faire des allégations concernant les effets du CBD sur la santé. Seul des analyses provenant d'un laboratoire tiers ou un contrôle ponctuel de la DGCCRF[13] peuvent révéler si l'étiquetage correspond d'une part à la concentration effective de CBD et d'autre par aux quantités légalement admises de tétrahydrocannabinol.


Comment savoir si l'on a un faible taux d'endocannabinoïdes ?


Avant de céder à la tendance du CBD, comment savoir si l'on en a réellement besoin et si l'on peut en tirer un quelconque bénéfice ?


Les recherches sur le système endocannabinoïde sont relativement récentes et consécutives à l'article publié par le Docteur Ethan Russo début 2014 explorant le concept d'une déficience endocannabinoïde clinique (CECD pour Clinical Endocannabinoid Deficiency) sous-jacente à des conditions médicales telles que la migraine, la fibromyalgie et le syndrome du côlon irritable.


Nous n'en sommes qu'à l'aube des découvertes sur cette molécule donc pour le consommateur, la prise de CBD et ses potentiels bienfaits relèvent du domaine de l'empirique et du cas par cas.


On peut néanmoins légitimement s'interroger sur l'existence d'éventuels risques associés au CBD.


Y a-t-il des risques associés à la prise de CBD ?

Le CBD a été testé à des doses élevées (jusqu'à 1 500 mg) sans risques de toxicité ni d'effets secondaires[14].


Il est pour l'instant déconseillé aux femmes enceintes et allaitantes, faute d'études suffisantes sur ses éventuels effets, ainsi qu'aux enfants, sauf dans quelques cas très spécifiques d'épilepsie sévère[15] qui ne relèvent pas de la naturopathie.


Enfin, la dernière précaution concerne les personnes sous traitement médical, dans quel cas l'avis du médecin doit être demandé afin d'éviter toute risque d'interaction.


Je rajouterais une ultime précaution concernant les conducteurs de véhicules : le CBD peut provoquer une fatigue. Les personnes souhaitant ou devant conduire doivent donc faire attention à cet éventuel effet.


Quel est le bon dosage de CBD ?

Le CBD n'étant pas réglementé, il n'existe à l'heure actuelle pas de dosage type préconisé. Pour l'instant, déterminer la quantité requise de CBD relève davantage de l'art que de la science, d'autant que la dose adéquate varie d'une personne à l'autre et est fonction du sexe, du poids corporel, de l'âge, de l'état de santé, du métabolisme et de la raison pour laquelle on souhaite prendre du CBD. Il faut par ailleurs être prêt à effectuer quelques calculs au vu des variétés de concentrations de CBD allant généralement de 5% à 40%. Ainsi, pour un flacon de 10ml mentionnant une concentration de 5%, on aura en tout 500mg de CBD et chaque goutte d'huile contiendra en principe environ 2,5mg.


Il est toutefois utile de connaître les recommandations préconisées outre-Atlantique où le CBD a plus d'ancienneté :


- Commencer petit à petit par des petites doses, pendant une semaine, tout en étant attentif à la réaction de son organisme


- Si aucun effet n'est ressenti, on peut augmenter la dose graduellement par palier de 7 à 15 jours, jusqu’à obtenir l'effet escompté


Comment être certain d'acheter un produit de qualité?

En l'absence de réglementation et au vu des prix pratiqués par les commerçants, généralement conséquents, il est légitime de vouloir s'assurer de la qualité d'un produit.


On remarquera que les informations dont dispose le consommateur lors de l'achat d'un produit contenant du CBD sont extrêmement variables, allant du descriptif succinct à la communication des résultats issus d'analyses effectuées par un laboratoire tiers sur des échantillons de produits avant leur mise en vente.


En attendant un encadrement plus strict du marché, j'invite le consommateur à appliquer les critères de sélection suivants :


- Qu'il s'agit d'un produit certifié et analysé par un laboratoire tiers indépendant

- Qu'il contient le totum de la plante afin de bénéficier de ce que les botanistes appellent "l'effet entourage"[16]. En anglais on qualifie ces produits de "full spectrum CBD".

On évitera ainsi le CBD de synthèse sous forme de cristaux, dont on vante qu'il s'agit de la forme la plus "pure" de CBD, car il n'y aura pas d'autre molécule et donc absence de synergie.

- Concernant our l'huile de CBD, on s'assurera que l'étiquette mentionne le nombre approximatif de gouttes contenu dans le flacon, ainsi que la concentration en CBD (en %) et la quantité de CBD par goutte (en mg)


Enfin, afin d'augmenter la biodisponibilité des cannabinoïdes et court-circuiter leur métabolisme par le foie (le CBD est transformé en 7-OH-CBD, un métabolite inactif), on privilégiera la prise de CBD sur un support huileux tel que l'huile de chanvre. Dans l'idéal, il faut également garder la ou les gouttes d'huile sous la langue pendant une minute (et non l'avaler directement).


*AVERTISSEMENT : Pour toute question relative à un problème de santé, demandez toujours l'avis de votre médecin ou d'un autre professionnel de la santé qualifié. Ne négligez jamais l'avis d'un professionnel de la santé et ne tardez pas à le solliciter en raison de ce que vous avez lu sur mon site Web.


Notes et références


[1]Arrêt du 19 novembre 2020, B S et C A [Commercialisation du cannabidiol (CBD)] (C-663/18) ECLI:EU:C:2020:938

[2] Les syndicats professionnels estiment qu’on est passé en France de 400 boutiques spécialisées début 2021 à 1 800 aujourd’hui.

[3] Voir la Décision du Conseil d'État n°460055 du 24 janvier 2022, disponible à l'adresse https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045075769

[4] La lettre L a été incluse dans le nom en l'honneur du botaniste Carl Linnaeus (1707-1778), naturaliste suédois et père de la taxinomie moderne. Pour plus de précisions sur le terme cannabis et les différentes variétés, je vous réfère à l'article intitulé The Name of Cannabis : a short guide for Non Botanists, disponible à l'adresse https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5531363/ (consultée le 1er février 2022)

[5] Les 3 autres sous-espèces de Cannabis sativa L. sont le Cannabis sativa L. subsp. Ruderalis (chanvre sauvage employé pour les fibres à usage industriel), le Cannabis sativa L. subsp. Indica (chanvre indien) et le Cannabis sativa L. subsp. Kafiristanica (chanvre afghan). Seules les deux dernières sous-espèces possèdent des effets psychoactifs euphorisants car elles sont riches en THC.

[6] Δ-9-tétrahydrocannabinol, cannabinoïde aux propriétés psychoactives, communément appelé THC

[7] Au niveau européen, cette limite se situe à 0,3%.

[8] Chènevis

[9] Voir Piomelli D, Russo EB. The Cannabis sativa Versus Cannabis indica Debate: An Interview with Ethan Russo, MD. Cannabis Cannabinoid Res. 2016;1(1):44-46. Published 2016 Jan 1. doi:10.1089/can.2015.29003.ebr disponible à l'adresse https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5576603/ (consultée le 1er février 2022)

[10] Small, Ernest, and Arthur Cronquist. “A Practical and Natural Taxonomy for Cannabis.” Taxon, vol. 25, no. 4, International Association for Plant Taxonomy (IAPT), 1976, pp. 405–35, https://doi.org/10.2307/1220524.

[11] Piomelli D, Russo EB. The Cannabis sativa Versus Cannabis indica Debate: An Interview with Ethan Russo, MD. Cannabis

Cannabinoid Res. 2016;1(1):44-46. Published 2016 Jan 1. doi:10.1089/can.2015.29003.ebr

[12] L'organisme humain est capable de sécréter ses propres cannabinoïdes, notamment l'anandamide. Le terme ananda signifie bonheur suprême" en Sanskrit), découvert en 1992 par le chimiste Lumír Hanuš et le pharmacologue William Devane. Le CBD agirait en bloquant la dégradation de l'anandamide.

[13] L'acronyme DGCCRF désigne la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes

[14] Bergamaschi MM, Queiroz RH, Zuardi AW, Crippa JA. Safety and side effects of cannabidiol, a Cannabis sativa constituent. Curr Drug Saf. 2011 Sep 1;6(4):237-49. doi: 10.2174/157488611798280924. PMID: 22129319.

[15] Il s'agit des crises d’épilepsie associées aux syndromes de Lennox-Gastaut ou de Dravet chez les enfants de 2 ans ou plus, où le médicament Epidyolex peut être prescrit sous certaines conditions extrêmement précises. Pour plus d'informations, voir l'avis de la Haute Autorité de Santé du 10 janvier 2022, disponible à l'adresse https://www.has-sante.fr/jcms/p_3308700/fr/epidyolex-100-mg/ml-cannabidiol

[16] Dans un produit full spectrum, tous les terpènes et cannabinoïdes sont présents

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